Source : EIU
The Economist Intelligence Unit publie annuellement un rapport présentant les perspectives mondiales pour six secteurs : automobile, biens de consommation & vente au détail, énergie, services financiers, santé & produits pharmaceutiques et télécommunications. Ces analyses décrivent les perspectives de croissance, les risques et les tendances à surveiller dans ces six secteurs majeurs. Elles ont pour objectif de fournir aux entreprises un aperçu des tendances mondiales, des opportunités et des menaces qui affecteront leur secteur au cours de l’année à venir.
1- Généralités
Partant du constat que ces dernières années ont été turbulentes pour la plupart des entreprises, pour causes de pandémie, de flambée des prix des matières premières, de taux d’intérêt élevés et de perturbations politiques, le rapport s’interroge sur la stabilité des conditions durant l’année 2024.
Les tensions géopolitiques et le réchauffement climatique entraîneront de nouveaux enjeux pour les entreprises en 2024. L’intelligence artificielle apportera, pour sa part, de nouvelles opportunités.
• Le changement climatique commencera à avoir un impact notable sur les pays et les entreprises. Les secteurs en relation directe avec l’atténuation de ce phénomène, à l’instar des énergies renouvelables et des voitures électriques, et ceux qui devront s’adapter, tels la climatisation et les soins de santé, verront leur demande croitre, mais les assureurs et les gouvernements auront du mal à intégrer les risques croissants y afférents.
• Les nouvelles réglementations dans l’UE et aux États-Unis signifient que les entreprises devront surveiller de près leurs chaînes d’approvisionnement pour améliorer les rapports environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Cependant, le scepticisme à cet égard va se durcir aux États-Unis à l’approche des élections présidentielles de novembre.
• Les préoccupations des entreprises concernant la fiscalité vont s’accentuer à mesure que l’OCDE introduit son taux d’imposition minimum mondial. Les gouvernements tenteront de réduire les déficits budgétaires et les niveaux de dette nationale qui se sont creusés pendant la pandémie de covid-19.
• Les tensions géopolitiques entre la Chine, la Russie et les alliés occidentaux, ainsi que des risques plus élevés au Moyen-Orient, compliquera les réactions des gouvernements et des entreprises à tout cela. Les investissements impactant les chaînes de valeurs, notamment pour la technologie et la transition énergétique, s’adapteront pour minimiser le risque politique.
• Le recours croissant à l’intelligence artificielle générative va remodeler les entreprises et les emplois. Malgré quelques perturbations notables dans des secteurs tels que le marketing,
les arts, les services aux entreprises et l’éducation, la plupart des entreprises trouveront des moyens d’utiliser l’IA pour augmenter leur productivité.
• Les entreprises ont connu des hauts et des bas ces dernières années alors que la pandémie, la montée en flèche des prix des matières premières, les taux d’intérêt élevés et les perturbations politiques ont généré de bons bénéfices pour de nombreuses compagnies et des faillites pour d’autres.
• La plupart de ces facteurs persistera jusqu’en 2024 sous une forme plus discrète, mais demeure accompagnée de la composante d’accélération du changement climatique et d’El Niño (températures anormalement élevées de l’eau). L’année 2024, prévue d’être la plus chaude jamais enregistrée, verra les esprits se concentrer sur les efforts de réduction des émissions à effet de serre et sur le redémarrage des investissements dans les énergies renouvelables et les véhicules électriques.
• Cependant, les divers acteurs économiques, ne parviendront pas à atteindre les objectifs ambitieux qu’ils se sont fixés sur la minimisation des risques climatiques et l’utilisation mondiale de combustibles fossiles devra, paradoxalement, augmenter.
De plus, les coûts liés à la gestion du changement climatique deviendront de plus en plus onéreux, et pas seulement pour les secteurs directement touchés (tels que les compagnies aériennes, les soins de santé, les assurances et la production alimentaire), mais aussi pour de nombreuses entreprises et gouvernements.
• On devra s’attendre à une augmentation des réticences au sein de l’UE, où les objectifs d’émissions nécessiteront des coûts élevés aux entreprises et mettront à rude épreuve leur compétitivité. Du côté des Etats-Unis, les attitudes vont encore se polariser à l’approche des élections de novembre et des réglementations plus strictes en matière de reporting ESG viendront s’ajouter aux pressions de la situation.
• En 2024, les pays de l’OCDE se lanceront dans le débat visant à encourager l’adoption d’un taux mondial d’impôt sur les sociétés de 15 % tel que convenu en 2021. Bien que l’UE et d’autres pays s’y conformeront (les États-Unis ont déjà un taux de 15 %), certains gouvernements continueront de réduire leurs impôts pour attirer les investissements.
• Les projets de taxes numériques seront suspendus, à l’exception de ceux du Canada. De leur côté, les marchés émergents et en développement comme l’Inde auront également du mal à faire baisser leurs déficits sans augmenter les niveaux d’impôts.
2- Analyse sectorielle
• Les tensions continueront d’affecter les investissements technologiques, en particulier dans les secteurs des semi-conducteurs, du traitement de données et de l’intelligence artificielle (IA), la technologie de la santé étant probablement la prochaine sur la liste.
• Les règlementations et les barrières commerciales vont probablement évoluer rapidement, au fur et à mesure que les entreprises, à l’échelle internationale, intensifient leurs investissements dans l’IA pour tenter de bénéficier des évolutions récentes des modèles LLM (modèle de langage informatique possédant un grand nombre de paramètres).
• Les experts EIU prévoient des perturbations sur les marchés liés à ces technologies IA alors que les entreprises testent des outils et moyens en vue d’augmenter leur productivité. Toutefois, on ne s’attend pas à des pertes d’emplois à grande échelle.
• En ce qui concerne le secteur automobile, la demande de véhicules électriques (EV) continuera d’être le seul point positif dans un contexte très morose.
On s’attend à ce que les ventes de véhicules électriques augmentent de 21 % pour atteindre 14,9 millions d’unités, soit plus de cinq fois leur niveau d’avant la pandémie, tandis que les ventes de voitures particulières (y compris les véhicules électriques) et de véhicules utilitaires n’augmenteront respectivement que de 3 % et 1%. La Chine représentera plus de la moitié des ventes mondiales de véhicules électriques et une part similaire des ventes et exportations mondiales de véhicules électriques provoquant une escalade des tensions commerciales.
• Pour les biens de consommation et la vente au détail, une croissance des ventes est prévue au niveau mondial de l’ordre de 6,7 % en termes de dollars américains et de 2 % en termes réels à mesure que l’inflation ralentit.
Dans ce contexte, les détaillants s’en sortiront probablement mieux que les entreprises de vente en ligne, aidées par les chasseurs de bonnes affaires et l’amélioration continue de la situation touristique à l’échelle mondiale.
• La consommation d’énergie s’accélérera en 2024, en grande partie tirée par la demande Asiatique. Toujours élevés, les prix des combustibles fossiles contribueront à ce que la demande mondiale atteigne de nouveaux records. Pour sa part, la demande d’énergie renouvelable augmentera de 11 %, malgré des problèmes de chaîne d’approvisionnement non résolus, des coûts financiers encore élevés et de faibles prix des enchères.
• En ce qui concerne le secteur des services financiers, les banques et les fonds à revenu fixe continueront de bénéficier de taux d’intérêt élevés et de marges plus larges, mais les investisseurs immobiliers seront confrontés à davantage de turbulences, particulièrement en Chine.
Les assureurs de biens cesseront de couvrir les zones soumises à des risques météorologiques tels que les tempêtes tropicales, les précipitations, les inondations et les incendies de forêt.
• Les dépenses de santé augmenteront en termes réels après deux années de baisse. Des pays comme la Chine et l’Égypte s’efforceront d’élargir l’accès aux soins. Toutefois, les ressources resteront limitées alors que les gouvernements tenteront de réduire les déficits budgétaires et les niveaux de dette publique tout en évitant les grèves dans le secteur des soins de santé. Les sociétés pharmaceutiques seront confrontées à de nouvelles réglementations concernant les normes de fabrication en Inde et les exigences d’entrée sur le marché de l’UE.
• Le secteur technologique se concentrera sur les investissements dans l’IA, mais devra composer avec une réglementation plus stricte et des tensions géopolitiques croissants. Les grandes entreprises de semi-conducteurs continueront à se diversifier en Occident grâce aux importantes subventions disponibles, mais (comme d’autres entreprises technologiques) elles seront confrontées à des dilemmes concernant les investissements en Chine. Les entreprises technologiques chinoises seront confrontées à leurs propres dilemmes lorsqu’elles contourneront les restrictions commerciales afin de rechercher des opportunités d’investissement à l’étranger.
3- Focus sur 4 secteurs
L’automobile en 2024 : la transition vers les véhicules électriques va s’accélérer, mais la domination chinoise sur le secteur va aggraver les tensions géopolitiques • Le secteur automobile mondial sera plombé par la lenteur des dépenses de consommation, les taux d’intérêt élevés et la transition vers les véhicules électriques. Une hausse des ventes de voitures particulières de 3 %, et des ventes de véhicules utilitaires et d’autobus de 1 % est prévue. • On s’attend à de lents progrès dans l’approbation de la législation relative aux véhicules électriques et les émissions de gaz à effet de serre à l’approche des élections présidentielles américaines de 2024. • Le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières de l’UE, qui obligera les importateurs de certains produits à payer une taxe carbone à partir de 2026, a entamé sa phase de transition en octobre 2023, avec un reporting prévu pour janvier 2024. Le règlement s’appliquera à des matériaux tels que l’acier et l’aluminium, essentiels pour la fabrication de véhicules. L’énergie en 2024 : la consommation d’énergie va s’accélérer en 2024. Les combustibles fossiles continueront de dominer, malgré la demande croissante d’énergies renouvelables • La croissance de la consommation mondiale d’énergie s’accélérera pour atteindre 1,8 % en 2024, soutenue par une forte demande en Asie malgré des prix d’énergie toujours élevés. • La demande mondiale de charbon, de gaz et de pétrole atteindra des niveaux records, ce qui freinera les efforts de réduction des émissions. Les prix élevés des matières premières continueront de stimuler les investissements dans la production pétrolière et gazière. • La dynamique des énergies renouvelables se poursuivra, avec une consommation combinée d’énergie solaire et éolienne augmentant d’environ 11 % par an à l’échelle mondiale. De nombreux pays s’empresseront également de produire davantage d’hydrogène • La production hydroélectrique restera faible alors que le changement climatique continue de faire baisser les niveaux d’eau dans de nombreuses régions. L’énergie nucléaire sera également affectée.
La santé en 2024 : l’accroissement des dépenses en termes réels n’apaisera pas les inquiétudes quant à la viabilité à long terme des systèmes de santé.
Après deux années de baisse, les dépenses de santé augmenteront à mesure que l’inflation ralentira. Toutefois, les ressources resteront limitées alors que les gouvernements tenteront de réduire les déficits budgétaires et les niveaux
de dette publique tout en évitant les grèves dans le secteur des soins de santé.
Technologies et TIC en 2024 : L’IA sera au centre des investissements technologiques mais se heurtera à des défis géopolitiques et réglementaires • Les investissements dans l’IA augmenteront en 2024 à mesure que davantage d’entreprises iront au-delà de l’expérimentation et commenceront à découvrir de véritables cas d’utilisation. Cependant, le principal impact de la technologie se fera probablement sentir sur la politique, en particulier aux États-Unis et dans d’autres pays confrontés à des élections.
• Les dépenses pharmaceutiques augmenteront également en 2024, car les prix des médicaments continuent d’augmenter fortement, malgré les efforts visant à les réguler. Les fabricants de médicaments sont confrontés à de nouvelles réglementations liées aux normes de fabrication en Inde et aux exigences d’entrée sur le marché de l’UE. • Le changement climatique menacera la santé humaine et les systèmes de santé à mesure que les coups de chaleur et les catastrophes naturelles se multiplient. Les prestataires de soins de santé et les sociétés pharmaceutiques subiront davantage de pressions pour réduire leur contribution aux émissions mondiales. • La santé numérique va encore se développer, les investissements dans l’intelligence artificielle offrant de nouvelles opportunités. Les régulateurs renforceront la surveillance de l’accès aux données et de la confidentialité, ainsi que de l’éthique de l’IA, tandis que les investisseurs feront pression en faveur de modèles économiques plus durables. • Les principales sociétés de semi- conducteurs continueront à se diversifier en Occident, en raison des préoccupations géopolitiques et des importantes subventions gouvernementales disponibles. • Les régulateurs s’efforceront de suivre l’évolution de l’IA, l’UE essayant de jouer un rôle de premier plan dans l’élaboration de cette technologie. D’autres domaines, tels que les données, la vie privée et la concurrence, seront également examinés. • La bataille géopolitique autour de la technologie entre les États-Unis et la Chine va se poursuivre et ses ramifications affecteront de nombreux autres pays.